LE LADAKH

L’Etat indien du Jammu et Cachemire évoque le conflit indo-pakistanais et les glaciers transformés en champ de bataille. Pour autant, c’est dans cet Etat le plus septentrional de l’Union Indienne, coincé entre le Pakistan à l’ouest et la République Populaire de Chine à l’est, que s’étend le district du Ladakh, ce paisible désert de haute altitude foisonnant de pépites variées.

Ce territoire de 97 872 km² s’étale entre la chaîne himalayenne au sud, et la chaîne du Karakoram au nord[1]. Ses hauts plateaux et vallées sont posés entre 2 500 et 5 000m d’altitude, tandis que ses plus hauts sommets dépassent les 7 000m. Dans ce décor fabuleux s’est développé le bouddhisme tibétain, avec, parmi les 100 000 habitants, une forte minorité musulmane.

Le « Petit Tibet » est donc un désert, traversé par l’Indus et parsemé d’oasis. La saison propice à l’agriculture dure, au mieux, de juin à septembre. Avant même l’arrivée des peuples tibétains au VIème siècle ap. JC[2], un système d’irrigation captait l’eau de fonte des neiges pour abreuver les rares terres arables. Aussi, une alliance pluriséculaire entre sédentaires et nomades a permis au peuple ladakhi de subsister dans ce milieu aussi grandiose et coloré qu’hostile. L’hiver, les températures taquinent les -30°.

Même les bouleversements de la modernité sont soumis à ces contraintes climatiques. La route Leh-Manali, que les militaires ont construite dans les années 1960 suite aux attaques chinoises, relie le Ladakh à l’Himachal Pradesh (Etat limitrophe au sud). Elle n’est ouverte, là encore au mieux, que de juin à septembre ; si aucun éboulement, torrent ou chute de neige ne la coupe. Quant à l’aéroport de Leh, il ne peut accueillir qu’un vol hebdomadaire en hiver (donc près de 8 mois de l’année) ; et ce toujours en fonction des conditions météorologiques. 
   
Ainsi, la capitale Leh voit sa population passer d’environ 30 000 personnes en été à moins de 10 000 en hiver. Malgré l’aspect incongru du tohubohu touristique estival au milieu de ce désert montagneux, à Leh aussi tout individu est plongé dans un univers physique et culturel radicalement différent. C’est dans ce cadre, et celui de mes pérégrinations ladakhies, que je vous proposerai des chroniques sociales. En essayant de ne pas tomber dans une fascination béate de la société locale, j’espère ainsi pouvoir apporter un peu d’air frais et un regard enrichissant. Une invitation à se décentrer de nos us et coutumes « d’homo industrialis »[3].



[1] Genoud Charles, Chabloz Philippe (2006), Ladakh – Zanskar, Guides Olizane – Aventure, Genève (réed.), p. 13
[2] Ibid, p. 111
[3] Norberg-Hodge Helena (1991), Ancient Futures, Learning from Ladakh, Oxford India Paperbacks, p. 2